Extraits

DISPARITIONS

CHAPITRE 1  Page 8

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Poussant la chaise contre son bureau, Jennifer éteignit son ordinateur puis se retourna, prête à partir. Au fond de son sac, son téléphone se mit à vibrer. Le saisissant d’une main, elle lut le nom qui s’affichait sur l’écran, un frisson la parcourut instantanément.
Depuis l’adolescence, elle avait appris à vivre avec ce sentiment étrange d’angoisse perpétuelle. La tragédie qu’avait subie sa famille l’avait plongée dans un état émotionnel instable. Les peurs et les doutes étaient surdimensionnés, provoquant inlassablement des crises de paranoïa. « La perte d’un être cher peut modifier les caractères et les habitudes », lui avait soufflé un jour un psychothérapeute.
Parfois, elle avait l’impression d’entendre sa voix en entrant dans une boutique ou en écoutant la radio. D’autres fois, en se promenant, elle croyait percevoir son visage ou sa silhouette. Elle courait alors à sa rencontre et s’apercevait que son esprit lui avait encore joué des tours.
À chaque fois que sa mère la contactait, Jennifer réprimait cette appréhension. Malgré les longues années qui s’étaient écoulées, Kate, sa sœur, était toujours présente dans ses pensées. Une interrogation lui revenait sans cesse. Où est-elle ? 
Le vice avait malheureusement été poussé jusqu’à l’extrême et trop de gens en avaient souffert. Alors, durant l’été 2008, voilà maintenant dix ans, Jennifer était partie. Elle avait quitté Niort, sa ville natale, pour Toulouse, son nouvel eldorado. À seulement dix-sept ans, elle avait abandonné sa famille, ses amies et même sa vie professionnelle, pour essayer d’oublier, de se reconstruire petit à petit. Ça n’avait pas été facile, seule dans cet endroit inconnu. Pourtant, elle s’efforçait d’y croire, elle voulait reprendre goût à la vie. 
Grâce à ses contacts, elle avait réussi à trouver un emploi comme chroniqueuse dans un petit journal. Certes, ce n’était pas aussi glorieux qu’auparavant, stagiaire dans un prestigieux magazine local, elle avait chuté en plein vol. Ici, elle ne produisait qu’une colonne sur les faits divers. Pour autant, elle s’en contentait. Jennifer savait que la décision de tout plaquer était un grand revirement dans sa vie. Tourner la page, tirer un trait, elle n’avait pas eu d’autre choix.
Bien sûr, elle rendait régulièrement visite à ses parents, Monique et Denis Mourot. Toutefois, elle n’y restait jamais plus de deux jours, tout dans la maison lui évoquait la perte de sa sœur. Voilà pourquoi aujourd’hui encore, Jennifer appréhendait les appels de sa mère. 
En règle générale, Monique venait aux nouvelles et en profitait pour lui rappeler son absence. Et à chaque fois, Jennifer redoutait le pire. Elle savait que cela arriverait un jour…
Soufflant profondément pour évacuer son stress, elle décrocha enfin :
— Maman, comment vas-tu ?
— Jen…Il faut que tu rentres.
Au son de sa voix, Jennifer eut un mauvais pressentiment.
— Que s’est-il passé ?
— Jen, ils ont retrouvé un corps…dit-elle difficilement. Apparemment, ce serait une femme d’une trentaine d’années…